Solo de Herbie dans Capricorn (Miles, Water Babies)
Répondre. Doucement se glisser. Glisser dans la basse dans la batterie. Dans la batterie. Laisser couler, laisser lié… Il y est. La voix tranquille s’est installée, le silence est un ballon qu’on tapote pour voir s’il rebondit.
Il faut pousser les murs et le plafond. Pas le plancher, Miles ne veut pas de main gauche. Par incursions, le plafond fond. Qu’y a-t-il au-delà ? Des horizons… aïe, l’unisson (un piano ça s’accorde). Swing swing repli sur le swing. Du swing en plis.
Respire, puis déplie. A côté tout autour la musique s’accomplit - elle est contenue toute au creux d’une main, cette main qui flane et caresse le clavier, éveille aux intervalles, s’asseoit sur un accent, emprunte un escalier.
Le piano sait chanter. Il pose ses marteaux et devient très doux – y a-t-il un doigt qui caresse la corde ? L’un après l’autre ces bouts d’apesenteur flottent tandis que filent dans le courant la basse et la batterie.
Glissé mouillé coulé emporté tout finit entre les rives de ce fleuve – au soliste le droit de s’échapper.
On peut aussi par petits bouts, par à côtés. Peser, reprendre, supposer. Beaucoup d’idées sont à côté. Parfois en file indienne, parfois innocemment adossées à leur heureuse coïncidence, prêtes à embarquer. Il y a toujours quelque chose à côté.
Chanter, danser sur un pied et puis après, où aller ? La main gauche réclame ses droits, on l’entend qui frappe à la porte Miles laisse-moi rentrer avec moi ça va vraiment chauffer, regarde ce que ça fait si je me pose ici. Et là. Et ici. Dans la cabine du studio une main descend le volume de la basse et de la batterie, et le piano, souverain dans son impérieuse nonchalence, presque seul enfin, laisse entendre tant de possibles que l’instant semble gelé.
C’est déjà trop et l’heure du chef a sonné. Miles rompt le charme et le reste est encore à inventer…
Et le plus beau, c’est qu’il le fut.
jeu 21 mai 2009